Le tribunal de Libreville vient de se déclarer incompétent pour
connaître au fond la plainte déposée par les personnalités politiques
membres du Front uni pour l’alternance. Une décision dictée par le
pouvoir qui représente un boulet.
La justice
gabonaise vient de confirmer, de plus belle manière, les accusations
portées par les personnalités membres du Front pour faux en écriture
publique au sujet de l’acte de naissance d’Ali Bongo Ondimba.
En se
déclarant incompétente pour connaître cette affaire, alors qu’elle
aurait pu aussi la classer sans suite si les arguments du Front
n’étaient pas fondés, la justice gabonaise vient d’indiquer au monde
entier que le Gabon a à sa tête un président instigateur d’un faux acte
de naissance dont il s’est servi pour usurper le pouvoir en 2009. Alors
qu’il n’en avait pas le droit, selon l’article 10 de la Constitution.
Pour bien montrer qu’il se paie bien la tête d’Ali Bongo Ondimba, le
pouvoir judiciaire a introduit plusieurs incohérences dans son rendu.
Peut-être une manière pour elle de se venger des multiples couleuvres
qu’elle n’a de cesse d’avaler depuis 2009.
D’abord sur la forme.
Les coutumiers des arcanes des tribunaux de Libreville ont été surpris
de constater que c’est le procureur de la République, Sidonie Flore
Ouwé, qui est venue donner une conférence de presse dans une matière qui
ne la concernait guère.
Maître Paulette Oyane a confirmé cette
incongruité : « Le Front a saisi le tribunal civil. En la matière, les
décisions incombent au seul président du tribunal. Le procureur de la
République, qui a en charge le volet pénal, n’est nullement concerné. Je
m’étonne qu’elle soit venue rendre publique une décision prise par le
président du tribunal.
Le président du tribunal qui représente le siège
et le procureur de la République qui représente l’Etat sont deux entités
indépendantes au nom de la séparation des pouvoirs entre le judiciaire
et l’exécutif. »
Le président du tribunal, auteur de la
décision, et le procureur de la République, porte-parole devenu du
tribunal de Libreville pour la circonstance, sont tous deux des
magistrats chevronnés. Nul ne leur fera l’injure de croire qu’ils
ignorent l’un des piliers qui fondent la justice, à savoir
l’indépendance du pouvoir judiciaire, pour qu’ils en soient venus à
cette mise en scène par hasard.
Car l’un et l’autre savaient
parfaitement qu’il aurait été incongru que le procureur endosse les
décisions du président du tribunal et vice versa. Comment comprendre
alors que le procureur de la République vienne expliquer à l’opinion les
tenants et les aboutissants d’une décision qui n’est pas la sienne ? Le
tribunal de Libreville est doté de vice-présidents qui sont censés
suppléer le président en cas d’empêchement.
C’est l’un d’eux qui devait
rendre publique cette décision en lieu et place de madame Ouwé. Pourquoi
cela n’a pas été fait ainsi ? Les réponses à ces deux questions sont
claires. Par ce mélange des genres inhabituel, le tribunal a voulu
signifier à l’opinion qu’elle a rendu une décision élaborée dans
d’autres cercles. Ce qui est un bon prétexte pour se tenir à l’écart des
turpitudes d’Ali Bongo Ondimba. Il a, sans doute, cru « souffler » en
écoutant madame Ouwé commenter la décision du président du tribunal.
Ensuite sur le fond. Le procureur de la République, commentant la
décision du siège, a sans aucun doute fait une sortie de route. En
mettant en avant l’immunité reconnue à tout président de la République
en fonction pour justifier le fait qu’Ali Bongo Ondimba ne pouvait pas
déférer à une convocation d’un tribunal ordinaire, madame Ouwé a fait
mine d’occulter l’objet de la plainte du Front.
Celle-ci, faut-il le
rappeler, visait à faire reconnaître au tribunal civil que l’acte de
naissance produit par Ali Bongo Ondimba dans son dossier de candidature à
l’élection présidentielle de 2009 est un faux. D’abord parce que Serge
William Akassaga Okinda qui l’a transcrit n’était pas habilité à le
faire. Puis les écrits du journal « Le Monde » l’ont confirmé.
Au moment
de commettre l’acte, cet officier d’état civil n’avait en sa possession
ni une décision de justice lui permettant de le faire comme le veut la
loi, ni l’acte de naissance original établi à Brazzaville. Puisqu’il est
démontré, par la production d’une simple déclaration de naissance que
le Front assimile d’ailleurs à un faux, qu’Ali Bongo Ondimba n’a pas
d’acte naissance établi en Afrique Equatoriale française (AEF).
En aucun
cas, dans cette procédure, Ali Bongo Ondimba, qui n’a pas transcrit
lui-même son acte de naissance, comme l’a confirmé son porte-parole à
RFI, n’était nullement concerné à cette étape de la procédure. Il le
sera par la suite, une fois que la justice reconnaîtra le caractère
frauduleux de l’acte de naissance querellé. C’est seulement à cet
instant que le président du tribunal et non le procureur de la
République pouvait invoquer l’immunité de tout président en exercice.
Au vu de la gestion particulière de cette affaire, il est clair que la
justice n’a pas voulu se compromettre. Ali Bongo Ondimba est plus que
jamais seul face à ses indignités.
ECHOS DU NORD N° 263 du Lundi 15 Décembre 2014